Vous pouvez passer jusqu'à la troisième photo !
Avec le Maroc, on sent déjà l'odeur du cuir, les épices et le thé à la menthe.

Je vous laisse une carte du Maroc, avec les villes :
Au nord, Tanger l'internationale et Tétouan la balnéaire sont les principales villes.
À l'ouest, Rabat la capitale impériale et Casablanca la blanche sont les villes de pouvoir, l'une politique, l'autre économique, c'est dans ces deux villes que l'aquariophilie est la plus étendue.
Au sud, on a Marrakech la ville impériale rouge, Agadir la maritime et Essaouira l'artistique, qui représente le sud touristique du Royaume Chérifien.
Dans le Sahara, c'est Darkhla, de falaises en dunes, la ville des pécheurs et des surfeurs.
Et enfin, dans l'est, dans les contreforts de l'Atlas, c'est Fès l'authentique et Meknès l'agricole qui sont les dernières villes impériales. Et mon histoire m'emmène dans la verte wilaya de Meknès.
Oui, oublions qu'on est en janvier, que le moyen-Atlas est froid et humide, que je me pèle plus qu'en France si possible !

La ville de Meknès est surnommée « La ville aux cent minarets » (on est en pays musulman, hein ), fondée en 711 par la tribu des Meknassa. C'est le chef lieu d'une région (wilaya de Meknès-Tafilalet) et l'une des villes impériales ( ancienne capitale du royaume marocain), durant le règne du sultan Moulay Ismaïl (1672-1727), coïncidant avec le règne de notre Roi-Soleil, les deux pays étant alliés et actifs diplomatiquement. Deux souverains absolus qui ont voulu montrer qu'ils brillaient, chacun sur leur continent, tandis que l'un construisait Versailles et chamboulait la diplomatie européenne, l'autre construisait le plus grand palais du Maghreb et écrasa la puissance ottomane jusqu'à Alger. Meknès et sa vieille ville sont classés à l'Unesco.
La ville aux toits verts est une ville agricole, c'est le grenier du Maroc et elle accueille chaque année le Salon international de l’agriculture. Enfin, voici les photos de sa médina et de son souk :




Et c'est dans la vieille ville que je trouve ma première boutique aquariophile ( la chance, le monsieur ouvrait sa boutique à mon passage), j'aperçois déjà les aquariums dans le noir et...
Ah, il ne vend pas que des poissons, il y a des oiseaux et au fond, dans des petites boites, des rongeurs, lapinous et cochons d'inde...
Ici aussi, on respecte pas trop les besoins des bestioles, on dirait.
La boutique est très exiguë, elle fait 4m² pour 2,5m de haut.
On est en plein souk, on côtoie les boucheries, les vendeurs d'épices, d'olives, du sang et de l'eau sale stagnent sur le carrelage, des têtes bovines sont sur le sol, des marchands de fruits passent avec leurs petites chariotes. On ne peut pas douter de la fraîcheur des produits, mais les odeurs sont étouffantes, ainsi que les passants dans ces si petits passages. Je m'engouffre dans la boutique.


Sur les photos du voisinage de la boutique, elles sont prises à la sortie, il y avait moins de monde, Dieu merci !
Ça sent l'oiseau, le lapin, la poussière, ça va un peu mieux déjà.
On regarde un peu la boutique pour se rassurer, mouais...
Les oiseaux sont dans des cages classiques, pas trop de problèmes.

Les lapins et autres rongeurs, je préfère pas en parler, encore moins vous montrer des photos.
Je me tourne vers le côté aquariophile,
Oh des plantes ! Ah mais non...

En véritable plastique oxygénant, souple pour ne pas abîmer les nageoires, en parfaite imitation de la cabomba et de l'élodée ! De superbes saloperies.
Le prix ne dépasse pas les cinq dirhams, en retirant les frais de change, on est à 50 centimes pièce. En France, on est entre deux à trois euros. Ah, on est pris pour des cons-ommateurs en France ? Tiens, c'est bizarre !
Voyons le reste de la boutique, tiens, c'est des trucs pour les piafs !

Et pas mal de bouffe et du mathos, des filtres, de l'éclairage, des néons comme des LED !

Il n'y a pas de filtres externes, seulement des internes, pour les prix :
Les grands ( 1600L par heure) : 120 dirhams, soit 12 euros.
Les moyens (800L par heure) : 80 dirhams, soit 8 euros.
Les petits ( 300L par heure) : 40 dirhams, soit 4 euros.
Les bulleurs sont à 30 dirhams, soit 3 euros.
L'éclairage, le tube néon, c'est un peu plus cher, on est de 80 à 200 dirhams pour les plus grands et performants, soit de 8 euros à 20 euros.
Beaucoup de produits pour le chlore, peu pour les bactéries, et très peu de médicaments.

Le thermomètre est à 30 dirhams, soit 3 euros. On reste dans les mêmes prix qu'en France, à peu près. A côté, la plus belle main du monde (la mienne).

De la bouffe, plein de bouffe, avec des pots haut de 15/20cm pour certains.
Et à gauche, le bras du vendeur ( qui n'a rien d'extraordinaire).
Bon, allez, j'abrège vos souffrances, voici les poissons :

Voici les carpes Koi et la famille des poissons rouges de sélection, on est sur du 5/8cm environ, on est sur du 30 dirhams le poisson, soit 3 euros. C'est que dalle !

Plus petits, on est sur 20 dirhams, soit 2 euros.
Ces poissons ont l'éclairage et le bulleur, mais pas de sol ni de plantes, ils sont en cuve nue.
D'autres n'ont pas la chance de l'éclairage : ils sont vendus aussi à 15/20 dirhams, soit 1€50/2€.


Mais le pire de tous, c'est les poissons rouges classiques, de fêtes foraines, le bac recouvert de plaque, sans éclairage, sous une étagère au sol, je vous laisse juger de l'état :

Des bacs sont vides, ils se sont bien vendus, il y a moins d'espèces, et là, je vois un petit poissons ressemblant à un gourami, blanc avec des taches oranges fluos !
Merde, une espèce qu'on a génétiquement modifiée, et vu qu'il est tout seul, ces copains se sont vendus comme des petits pains. Voici la pauvre bête :

Bon, heureusement, il y a un grand aquarium avec de grandes espèces :

Bon, mauvais point, le bac doit faire 250L, peut-être moins, car la largeur est faible...
Du sable, de la décoration dure, un gros bulleur et filtre, pas de plantes ( trop cher là-bas, pas aussi fiable que le bulleur pour eux).

Ah, il y a un Oscar ! Ma foi, bien joli, mais pas trop adapté ! Le vendeur me dit qu'il est agressif, je lui rétorque que certains lui donne du steak à becter. Il regarde les dix granulés rose fluo qu'il vient de mettre dans son bac ; en sachant le prix de la viande ( très cher pour le pouvoir d'achat là-bas), il doit nous prendre pour des fous en Europe.

Il y a aussi un poisson rouge de 10/15cm, le volume est bon, mais c'est le seul poisson rouge.

Je vois au fond, un petit ancistrus, je suis content, il doit se plaire dans ce volume de 250L, s'il avait été le seul poisson de fond.

Et oui, un gros plecostomus albinos de 20 cm qui se promène dans le bac, en voilà, de la concurrence pour le petit ancistrus. Ce poisson dans une cuve nue n'a rien à faire dans moins de 500 litres.

Mais, soyons bon joueur, un autre poisson de fond : un poisson chat !
Il ressemble au Epalzeorhynchos, mais sans être bicolore, les nageoires semblent plus longues aussi.
Par contre, je vois une belle pourriture des nageoires, il ne bouge pas, et reste au sol.

Le dernier poisson est un poisson que je ne connais pas, le marchand me dit que c'est un poisson-lapin... je cherche quelques infos plus tard au studio, et je trouve enfin le poisson en question : le poisson perroquet ou Blood parrot ( perroquet rouge, ou saignant).
Et là, c'est la surprise. Ce poisson est un poisson génétiquement modifié, qu'on trouve de temps en temps dans certaines animaleries françaises, le disant asiatique et spéciale.
C'est un cichlidé, un hybride né du croisement entre le Diable rouge (citrinellum)/ le Severum doré. Ce poisson peut être de différents coloris, et il est stérile (enfin, en théorie).
Le poisson ne peut fermer sa bouche, sa bosse forme une cassure avec le bec, son œil est disproportionné, des dents noirs peuvent apparaître.
Pour les coloris, sa couleur vient de bains de produits chimiques : le premier découvre la peau et écailles, le second est le bain de colorants, le troisième fixe la couleur.
En contrepartie, il arrive que ce poisson ne soit pas stérile, certains recouvrent la fertilité, la femelle peut pondre des œufs (ovulation effective, c'est le mâle qui est stérile), le mâle s'il peut peut ensemmer et parfois, c'est un autre cichlidé cousin, comme un nigro, ou un severum qui va fertiliser les œufs. Ces red parrots gardent un comportement de parents, construction de nids et protection des alevins. La sterilité vient du croisement, mais aussi d'un quatrième bain de stérilisation, car c'est un laboratoire qui a breveté le red parrot, personne ne peut produire ce poisson durant la validité du brevet. L'humain a crée ce bossu infirme, mais selon beaucoup de propriétaire, malgré sa difformité, c'est un poisson très joueur, très intelligent et qui a une forte personnalité ( c'est mon élément de décor, c'est mon humain de compagnie).
Je ne suis pas pour ces hybrides, mais ce n'est pas leur faute, c'est la notre en tant que pseudo-créateur, capable du pire comme du meilleur.
Et ce poisson-perroquet est l'exemple type du poisson qu'il ne faut pas acheter car il ne faut pas motiver ces pratiques, mais qui est tellement « humain » que la pitié ou simplement son charme opère... Ce poisson, en lisant son histoire, m'a rendu triste et j'aurais voulu le prendre, juste pour le sauver, et lui trouver une madame.
Je demande les prix pour mon article, le monsieur m'envoie séchement paître en disant qu'ils ne sont pas à vendre, en se radoucissant, il me confie que c'est l'aquarium de son fils pour qu'il garde les poissons qu'il aime.
Enfin, je voie les cuves nues, du 50L à 90L environ.

750 dirhams, 75€ la cuve nue de 70L en plexiglas, et là, je fais des gros yeux...
En France, en animalerie, on trouve dans 50/70L tout équipé pour le même prix. Je ne comprends pas comment ça peut être aussi cher. La personne qui m'accompagne me dit qu'il vaut mieux construire son propre aquarium en verre, ce qu'elle a fait pour son propre aquarium.
Je le remercie, et je me prépare à partir quand soudain...

C'est quoi cette merde, un pleco séché ?
Je le questionne direct, il me répond que le pleco est séché quand il meurt sans être vendu et qu'on l'utilise pour les oiseaux. À la place d'utiliser des os de seiche, pour aiguiser les serres et nettoyer son bec. Je m'en vais, choqué, dégoûté voire même en colère.
Mes pérégrinations me mèneront plus loin dans le souk, je me perds un chouïa ( seulement un peu, j'ai mon compagnon) et j’atterris au marché aux poissons, je regarde les produits en vente quand je remarque une pancarte animalerie, elle dit de monter à l'étage, bon ben, c'est parti.

Le vendeur, il a l'air d'aimer les oiseaux !
Les prix représente en cage et alimentation, le tiers du prix en France, les oiseaux, les deux tiers, et les grands perroquets en France dépassent les 300 euros, parfois 600 euros. Ici, 3000 dirhams (300€) est le prix maximal, le « prix touriste ».
J'entre, la boutique est plus vaste, plus saine, le ménage est fait ! Disposer de l'étage permet de prendre sur le couloir, en l'absence de l'installation de concurrents aux autres emplacements, il est seul en haut.

Bon, je regarde les poissons :

Des poissons rouges classiques, ils sont à 15 dirhams pièce (1,5€), c'est vraiment pas cher, même si là-bas, ça représente le prix de 6 kilos de tomates. Les noirs sont un peu plus cher, on est à 20 dirhams (2€).

Les poissons rouges sont variés, on a des noirs, des têtes de lions, un peu tout, la taille est medium, ils sont plus grands que les précédents, on est à 30 dirhams ( 3€) pièce.

Ici, on est sur les grands poissons rouges, mais aussi les carpes Koi !
On est sur du 15/20 cm pour les grands, ici c'est un aquarium de 90L environ.
Les poissons rouges sont vendus 40 dirhams, les tout-noirs 45 dirhams et les carpes Koi 60 dirhams.
Soit, respectivement, 4 / 4,5 / 6 euros pièces pour du 20cm.

Et là, c'est des petits requins !
J'ai rigolé, c'est le pangasus, l'attrape-néophyte !
Vendu 45 dirhams, soit 4 euros 50. Il est vivace, sa peau bleue sombre brille, il attire l’œil.
Le prix est dérisoire par rapport à la France.

Je regarde le grand aquarium d'ornement, il est magnifique.
Bien entendu, ni l'aquarium, ni sa population, n'est à vendre, il ne me donne pas de prix pour éviter que je marchande dessus, histoire de le faire plier à vendre. L'aquarium est pour le plaisir du vendeur et pour faire rêver le client.

Il a quatre pangas géants, dont un albinos, un oscar solitaire, un pleco, et trois/quatre red parrots !
L'aquarium doit faire 400L. C'est un peu mieux que la boutique précédente, il y a du sable et des pierres, un bulleur, filtre, mais aucune plante, algues, même en plastique.
Voici le panga albinos :

Je me tourne vers le matériel alors, tiens de la bouffe !

Les petites boîtes, 20 dirhams, les moyennes 30 dirhams et les très grandes 40 dirhams. Regardez la taille par rapport au décor, c'est de la bonne affaire ! Après, c'est pas des produits européens.
Mais c'est pas une pompe, en haut de l'étagère ?

C'est mieux que ça, c'est un jet !
Il peut aller jusqu'à 3 mètres, et seulement pour 140 dirhams ( soit 14 euros).
Dans son bassin, c'est carrément l'éclate !


Il n'y a pas de filtres externes, seulement des internes, pour les prix :
Les grands ( 1600L par heure) : 130 dirhams, soit 13 euros.
Les moyens (800L par heure) : 85 dirhams, soit 8,5 euros.
Les petits ( 300L par heure) : 40 dirhams, soit 4 euros.

Maintenant, parlons du prix des aquariums :
Celui de gauche est un 90 litres plexiglas nue avec meuble, il est à 1700 dirhams, soit 170 euros.
Celui de droite est de moins bonne « facture », il est à 1400 dirhams, soit 140 euros.

Celui-là est cassé, il ne le vend pas.
Par contre, on a notre bocal gagnant : 70 dirhams, soit 7€.

J'aurais du me méfier d'un adorateur d'oiseau, car en baissant les yeux : quatre beaux plecos !


La troisième boutique – et la dernière – se trouve dans les nouveaux quartiers à l'ouest de la ville.
Peu d'oiseaux et de rongeurs, mais spécialisé dans les petits animaux (poussins, chatons, chiots) – il en a quelques uns, dans un très petit espace (il semblerait cette année qu'il n'en vends plus), par contre, il est spécialisé dans les poissons fluos et modifiés génétiquement. Environ 50% de ses poissons, rose fluo, orange fluo, luminescent ( dit glow) et même vert fluo.
Vous aurez les photos samedi !
-------------------------
Bilan :
1- Je sais que vous auriez voulu tomber sur une photo de votre désintéressé serviteur ( mettez un remerciement, ou je vous fais la tête du poisson-perroquet), mais il va falloir se contenter de son auguste main !
2- Le Maroc est moins cher en matière d'équipement et de poissons, mais la qualité des aquariums est très faible, tandis que le prix est élevé, il vaut mieux passer chez un travailleur du fer, ou un artisan, ( dans le souk aussi) pour s'en faire construire un de qualité.
3- Les plantes aquatiques ne sont importés, les vendeurs ne sont pas calés sur le cycle de l'azote ni sur le chlore ( les deux ont répondus : attente de quelques jours). Pas de médicament. La cause animale n'est pas non plus entré dans les mœurs. Les poissons sont des bêtes d'ornement, pour impressionner. Il n'y a pas d'aquarium public au Maroc, seulement un gigantesque aquarium dans un centre commercial, autour d'un ascenseur ( mais une coupure d'électricité en octobre a coupé l'oxygène, et mortalité totale en une nuit).
4- C'est un hobby nouveau, les marocains commencent à s’intéresser à l'aquariophilie, et des associations s'ouvrent à Casablanca et Rabat. Mais les gens ne sont pas habitués, et n'ont pas les connaissances techniques ni la motivation pour chercher. Au contraire, il y a une confiance dans le vendeur, car c'est un frère musulman et que s'il ment, il s'expose à l'enfer. Le problème, c'est que les vendeurs ne mentent pas, mais ne s’intéressent pas aux besoins du poisson.
5- A vos claviers et commentaires !