Merci de vos soutiens, de vos commentaires et tout simplement de votre intérêt !
Le sujet fait écho au topic précédent traitant des maladies transmissibles du poisson à l'Homme ici, nous allons faire traiter des maladies de l'Homme transmissibles à l'Homme par le biais du poisson, en l’occurrence : la Fish Pédicure !

La "fish pedicure" consiste à se faire exfolier les peaux mortes par des petits poissons, des Garra Rufa, il suffit juste de plonger ses pieds dans un bassin individuel et d'attendre que ces derniers mangent les peaux mortes.
Comme on le dit, dans le milieu esthéticien, une prestation « naturelle, relaxante et écolo » qui permet d'avoir de rendre ses pieds « aussi doux que la soie ».
Bref, je cite ces conneries qui ne légitime qu'un effet de mode égoïste où le poisson ne devient qu'un pince-bouton pour humain. Bref, pensez-vous qu'il soit normal d'exploiter des animaux dans un but égoïste (hors fermier ou labeur) et de le faire vivre dans un « bain de pieds » ?
1- Mais c'est quoi comme poisson, le Garra Rufa ?

Le Garra Rufa est un cyprinidé ( la même famille que la carpe ou le barbeau), du genre Garra.
Il est originaire du Moyen-orient, que ce soit en Turquie (là où les premiers bains ont débutés il y a deux siècles) et jusque dans le Tigre et l'Euphrate en Irak. C'est donc un poisson d'eau douce, qui vit de préférence dans des eaux à partir de 24°C, qui mesure entre 4 et 6 cm, et atteignant à l'age adulte jusqu'à 12cm. Il aime des eaux allant de 7 à 8 de PH, et une dureté ne dépassant pas 10.
Habituellement, il se nourrit essentiellement de plantes aquatiques et de micro-organismes, mais c’est un omnivore, il faut donc penser à lui donner des protéines.
C'est un poisson vif, très actif, qui nécessite un 200L avec un vaste banc de ses semblables, on le préfère en spécifique, mais il pose peu de problèmes en communautaire.
Si je vous le présente comme ça, c'est parce que c'est un poisson avant tout, d'aquarium ensuite, et sa place n'est nullement chez l'esthéticienne.
2- Mais pourquoi on l'utilise pour soigner ?
Le problème, c'est qu'il a acquis une véritable célébrité dans sa région natale, en Turquie, où il est appelé « Poisson Docteur ». En effet, le Garra Rufa ne possède pas de dents et peut se nourrir des peaux mortes par un effet de succions. Vous voyez quand même qu'on s'éloigne bien de son régime alimentaire.
Il est utilisé, dans sa région natale et aujourd'hui à travers le monde, pour le traitement des psoriasis, des dermites, de divers eczémas, du sentiment de jambe lourde, gomme la peau des cortex de vieillissement, il est aussi « compétent » pour son aptitude à nettoyer efficacement les plaies.
Ils sont voraces, et dévorent sans compter, enfin un cousin – le Chin Chin – un autre cyprinidé coûte moins cher, est utilisé pareillement mais ses dents causent des plaies. Nous allons revenir à cette histoire de dents plus tard, car elle ouvre la peau à l'eau.
3- Mais en quoi c'est mal de les laisser nous nettoyer?
Moralement déjà, c'est pas vraiment défendable.
Économiquement et écologiquement, c'est l'anarchie, sa popularité flagrante au début des années 2000 explose aujourd'hui, des centres apparaissent des bords de la Mer Noire, aux USA et jusqu'en Corée du Sud.
La Turquie essaye alors – pour protéger ce poisson d'une surexploitation – de poser des quotas à l'exportation.
En pays anglo-saxon, 14 États américains dont la Floride et le Texas ont interdit cette pratique.
Le Royaume-Uni, par son agence de Santé, a montré en évidence qu'il y avait un risque sanitaire important, mais aussi qu'on ne pouvait pas désinfecter ces bacs, sans tuer ces poissons, malgré la réglementation britannique prônant une désinfection totale en cosmétologie.
4- Il y a donc des risques ?
Oui, il existent des risques.
Que ce soit le Garra Rufa, ou son cousin Chin Chin, il existe un risque de transmission de maladies à l'Homme.
Le 24 avril 2013, l’Agence Nationale de Sécurité Nationale de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail a rendu son rapport – publié au Journal Officiel – désignant trois sources de danger :
L’eau utilisée pour alimenter le bac, à l’origine de bonne qualité mais sans désinfectant, peut être contaminée par les poissons.
Les utilisateurs successifs sont là pour se soigner, il sont souvent porteurs d'agents infectieux, le risque est plus important pour les diabétiques, immunodéprimés et usagers présentant des plaies aux pieds)
Les poissons comme les usagers peuvent véhiculer des micro-organismes pathogènes, comme pour le cas de la Tuberculose du poisson ;)
Elle rappelle aussi le manque d'encadrement de la pratique en France, et demande une réglementation française, tandis que l'Ordre des praticiens podologues essaye d'interdire la pratique en France.
Par exemple, des cas de staphylocoque doré ont été enregistré chez des patients après un fish pédicure, cette infection peut atteindre les os (ostéomyélite), ce qui entraîne dans les cas graves une septicémie ou une amputation.
Il y a deux siècles, dans un lac naturel, ou un grand bassin turc, la pratique devait être plus hygiénique qu'aujourd'hui, malgré tout désinfectant – ou lampes UV – moderne, dans des bacs de 50L réutilisable à souhait d'un patient à un autre dans nos salons.
5- Une publicité interdite à certaines conditions.
Le 4 mai 2013, l'ANSM - l'Agence nationale de sécurité du médicament – a interdit une publicité en ligne d'un salon de beauté vantant les bienfaits de la "fish pédicure. Deux semaines après l'ANSES, une autre agence s'attaque à la pratique.
Si l'ANSES mettait en avant "un risque de transmission d’agents pathogènes d’origine humaine ou animale", l'ANSM souligne pour sa part "un manque d'éléments scientifiques". Pourquoi ? Parce que le salon dans la préfecture du Rhône alléguait que "le Garra Rufa libère une enzyme, le diathranol, connue pour limiter la propagation des symptômes de certaines maladies de peau".
L'ANSM casse et interdit, en condamnant aussi deux autres affirmations du salon, rien ne prouve qu'il y a enzyme dans un premier temps, mais le poisson ne libère pas non plus les pores de la peau et les succions du poisson n'ont aucun effet stimulant pour la circulation sanguine.
Le site fait marche arrière, supprime la publicité et corrige : "Nos prestations ne sont en aucun cas des actes médicaux et n’ont aucune vocation thérapeutique. Il ne s’agit que de détente, de bien-être et de beauté du pied".
Bilan : la fish pédicure est encore un effet de mode, dont la possible valeur thérapeutique est mise à mal par l'influence commerciale.
En effet, les risques de maladies sont là, et le zoonose n'est pas loin, quand ce n'est pas de l'humain à l'humain.
Enfin, cet enthousiasme commercial est cause d'une exploitation massive du poisson, et le vide juridique autour de la pratique met à mal la sécurité du patient comme la santé du poisson. Quand ce n'est pas un florilège de mensonges commerciaux.
Et vous, les aquariophiles, vous en pensez quoi ?
Cdt. AS.